Départ pour l'Ecosse (ouvert)

(HJ : suite de la rencontre avec le comte Dracula dans la Salle X )

Aussitôt après sa rencontre avec le Comte, Fingal avait regagné sa chambre pour préparer son départ pour l'Ecosse et donner ses ordres à ses gens. Martèinn devait déjà être au port, prêt à embarquer pour l'Asie ; la perspective d'être privé pour une longue durée de son plus fidèle serviteur, compagnon de toutes ses aventures depuis son plus jeune âge, lui était un peu pénible : mais les circonstances l'exigeaient, il ne pouvait raisonnablement refuser ce service au Comte, et Martèinn était bien le seul en qui il eut assez confiance pour l'envoyer dans une mission lointaine si périlleuse... Il devait se trouver un compagnon ou une compagne de voyage : à la fois pour ne pas être seul - par moments il avait horreur de la solitude, qui rendait l'éternité trop pesante - , et pour éviter d'éveiller les soupçons ; s'il ne partait pas seul, on penserait qu'il allait se livrer à ses frasques habituels. Bien entendu, cette personne ne saurait rien des raisons véritables de ce voyage, qui ne serait qu'un aller-retour aussi rapide que les transports le permettraient.

Ayant adopté les habitudes de l'aristocratie, Fingal, pseudo vicomte Mc Cruimein, se révélait incapable de choses aussi simples que de faire seul ses malles. Devant l'urgence de la demande, il avait dû se séparer de Martèinn avant même que celui-ci n'ait eu le temps de s'en charger. Aussi attrapa-t-il au vol, en montant vers sa chambre, un laquais qui semblait désoeuvré et décida de se l'approprier provisoirement pour préparer ses bagages. Il fouillait nerveusement dans son coffre à vêtements, hésitant sur les tenues à emporter et y semant une joyeuse pagaille.

- Diantre ! , pestait-il. J'ai décidément pris tous les défauts d'un vrai vicomte !!!

La remarque sembla surprendre le laquais, car peu de gens savaient, en dehors de lord Bulkeley et du Comte Dracula, ce qu'il en était de la prétendue noblesse de Fingal : on le prenait sincèrement pour un véritable aristocrate. Et en bon aristocrate, il ne prêtait pas la moindre attention à l'opinion que pouvaient avoir les laquais...

- Range un peu, veux-tu ! , s'impatienta-t-il. Je ne sais plus où donner de la tête. Mais bouge-toi un peu, empoté que tu es !!! Martèinn aurait su tout de suite ce qu'il fallait prendre, et mes malles seraient déjà bouclées ! Pas étonnant que tu ne sois qu'un laquais insignifiant, mon garçon ! Jamais tu ne feras un valet de chambre, pas besoin d'être devin pour te le prédire... Tu es tout juste bon à allumer et éteindre les chandelles, et tenir les pots de chambre !

Il le bouscula avec quelque brutalité et finit par choisir deux chemises, une veste sombre avec culotte et gilet long assortis, ainsi qu'une large cape de laine car le climat de l'Ecosse était plus rude que celui de Londres. Il jeta le tout sur son lit, laissant le soin au malheureux jeune homme de tout replier, ce qui devait prendre place dans la malle et ce qui devait retourner dans le coffre.

- Oh, imbécile que tu es : j'allais oublier mon tartan aux couleurs des Mc Cruimein ! Les Ecossais adorent que leur maître porte le tartan de son clan... et cela présente des avantages certains en certaines circonstances ! Mais pourquoi perdre mon temps à te dire cela, tu es bien trop sot pour y comprendre quoi que ce soit ! Ah, mon cher Martèinn, combien ta présence rassurante me manque déjà cruellement !!! ... Maintenant, n'oublions pas l'essentiel de la futilité salvatrice ! , s'exclama-t-il en se dirigeant illico vers son cabinet de toilette. Ce n'est pas parce que je m'en vais en pleine campagne que je dois me négliger... Mes onguents, mes fioles de parfum... Ah ! Et le désinfectant, on ne sait jamais au contact de ces gueux ! Hum... Laissons tomber la perruque, je porterai mes cheveux au naturel, et fort heureusement mon valet de chambre écossais sait s'occuper de ma personne...

Durant près de trois quarts d'heure, ce fut un tournoiement incessant, une valse d'hésitations et de sautes d'humeur auxquelles le serviteur répondait avec un calme déconcertant. Lorsqu'enfin les deux malles furent bouclées, Fingal se laissa tomber dans un fauteuil et se fit servir un verre de whisky, écossais bien entendu...

- Hé bien, voilà qui fut laborieux ! , soupira-t-il en s'étirant comme un chat satisfait de s'être diverti aux dépens d'un rongeur. Maintenant tu vas aller aux écuries demander qu'on me prépare un carrosse pour demain matin à l'aube ; sans armoiries, mon départ doit être discret... Avec deux bons chevaux, car il ne faudra pas traîner et je veux éviter de relayer trop souvent ! Ensuite, tu descendras aux cuisines demander que l'on prépare quelques provisions de bouche ; si je puis éviter de devoir m'arrêter dans une auberge dès le début du voyage, c'est aussi bien !

Il s'étira à nouveau et demanda au laquais de le déchausser, puis de l'aider à se débarrasser de sa veste et de son gilet, jetant lui-même sa perruque sur une table. Il but une gorgée, et reprit toujours sur le même ton autoritaire, mais en considérant le garçon avec un soupçon de désir.

* Jolie croupe, tiens donc ! , songea-t-il l'espace d'un instant avant de se reprendre. Mais ce n'est pas le moment de songer à abuser d'un laquais ! Je me connais : si je commence à m'amuser avec lui, je vais encore l'abîmer et il me faudra en trouver un autre pour vaquer à ce qui reste à faire... Je n'en ai pas le courage, tant pis pour mes plaisirs, je me rattraperai en Ecosse ! *

Il éclata de rire, sans que l'autre comprenne pourquoi - et du reste, il ne cherchait pas à comprendre : chacun au château savait que le vicomte Mc Cruimein était un fort curieux personnage...

- Pour finir, tache de trouver une personne qui accepte de m'accompagner pour ce voyage : je n'ai aucune envie de voyager seul ! Si possible une demoiselle de notre race, pas trop farouche si je me fais bien comprendre... Ou à défaut, un beau garçon. Mais je préfère en l'occurence une femelle. Aller, file ! Et ne reviens que lorsque tu te seras acquitté de tout ce que je t'ai confié... Fais vite, car ce voyage n'est pas une simple partie de plaisir, même si c'est ce que l'on doit croire : il t'en cuira si je ne puis me mettre en route à l'aube comme convenu, et dans les conditions que j'ai dites. Tu reviendras dormir ici, de cette façon je t'aurai sous la main demain matin... Ouste !!!

Le laquais partit aussitôt sans demander son reste, conscient qu'il ne fallait surtout pas déplaire à un tel personnage, colérique, excessif et imprévisible... Fingal retrouvait le sourire en sirotant son whisky. Tout compte fait, la nervosité des préparatifs passée, la perspective de cette escapade le réjouissait. Il y avait des mois qu'il ne s'était rendu sur ses terres d'Ecosse, tout juste y avait-il fait un bref séjour à son retour d'Orient. Quitter Londres lui ferait du bien. Il acheva de se déshabiller lui-même, ne gardant que sa chemise, vida son verre et se jeta sur son lit en riant d'avance à l'idée de jouer au seigneur local prélevant "l'impôt du sang"... Il s'assoupit ainsi, un grand sourire aux lèvres.

Plus mon frère était soucieux, et plus il m’encombrait de ses hommes pour mieux fuir… Je ne lui en voulais pas de cette lâcheté, je l’aurais moi-même si fait si cela avait été possible me semble t-il.
Les semaines s’égrenaient inlassablement, et déjà, mon ventre s’arrondissait. Cette intrusion me rendait parfois colérique, mais parfois aussi plus tendre. Je m’étais même surprise une fois, la main délicatement posée sur mon ventre pour tenter de calmer les assauts de ce qui s’éveillait en moi.
Jamais je n’aurais cru que grossesse soit si douloureuse, et qu’un « enfant » si jeune puisse faire preuve d’une telle violence. Mais cet enfant n’était pas n’importe lequel. Il était le fruit d’un amour incestueux entre deux vampires. Entre le maître des ténèbres et sa sœur, les deux plus vieux vampires que la terre porte encore.
Pourtant, l’âge, la fatigue et l’usure n’avaient pas modifié mes traits. J’admettais moi-même que quand je me regardais dans le miroir, je voyais une belle femme, plutôt bien faite, dont rien ne trahissait l’âge…

Mais des changements avaient opéré, dans mon esprit aussi bien que dans mon corps. J’étais fatiguée et n’avait plus le goût pour la chasse. J’étais tellement fatiguée que je n’étais même plus sûre d’être jalouse des femmes que je voyais parfois sortir de la chambre de mon frère, tard dans la nuit. Je m’avouais non sans honte qu’elles m’épargnaient quelque tâche que je ne pouvais plus remplir. Je n’aurais supporté que Dracula voit l’évolution de mon corps, encore moins qu’il ne me touche.
Moi-même j’avais du mal à regarder mon ventre dans le miroir lorsque je me changeais. Chaque jour, je répétais inlassablement le même scénario. Je faisais glisser lentement et un à un mes vêtements le long de mon corps, en me forçant à regarder, mais surtout à admettre la vérité. Pourtant je n’avais pas grossi, ma poitrine était peut-être un peu plus lourde, mais exception faite de celle-ci et de mon abdomen, rien n’avais changé.

Mais bien que je ne croise mon frère plus que rarement et fortuitement, celui-ci s’efforçait tout de même de s’occuper de moi, comme il le pouvait.
Et cette semaine, il était convenu que j’accompagnerai Fingal sur ses terres écossaises. Dracula avait déployé toutes ses forces pour me convaincre. Vainement, car il était évident que je n’avais plus la force de me battre, tant cette vie au creux de moi me vidait de la mienne pour mieux s’épanouir.
Il fallait selon lui que je respire un peu d’air frais, que je quitte la monotonie du château quelques jours. Il serait mauvais pour le bébé et moi, et curieux pour nos ennemis que je ne sorte plus que trop rarement.
Dracula m’a serré dans ses bras, et une larme avait enfin roulé sur ma joue, comme une rédemption. Il y avait tellement de temps que j’espérais qu’elle ne coule sans jamais y arriver ! Il a relâché son étreinte, et m’a invitée à aller faire faire mes malles.

Voilà. Il était reparti dans son bureau, en me promettant que Fingal prendrait soin de moi. Que voulait-il que cela me fasse, j’allais mourir. Oui j’allais mourir, la vie me quittait peu à peu chaque jour, alors que je voulais vivre. A notre façon bien entendu…

J’avais regagné ma chambre devant laquelle deux femmes de chambre m’attendaient déjà. L’une était très belle. Ses grands yeux verts pétillaient de la bonté qu’il pouvait rester à un vampire, et son sourire me réchauffait le cœur.
Pendant près d’une heure ce fut un ballet incessant dans ma chambre.

"N’oubliez pas les jupons ! Non pas ceux-là. Hâtez-vous j’ai à faire enfin !"

Les malles enfin prêtes, je congédiais l’une des femmes de chambre, et celle aux beaux yeux verts resta pour m’aider à faire ma toilette.
Elle défit ma robe avec une douceur et une habileté déconcertante, et la fit lentement glisser le long de mon corps avant de se saisir d’une brosse qu’elle me passa dans les cheveux. Je voyais bien dans le miroir qu’elle ne pouvait s’empêcher de regarder mon ventre nu. Mais nul dégoût dans son regard, et un doux sourire illumina son visage.

"Vous êtes très belle."

Ses paroles me surprirent, mais je ne trouvais rien à dire. Peut-être n’y avait-il rien à dire… Lorsqu’elle me passa une toilette propre, sobre mais élégante, je sentis sa main passer discrètement sur mon ventre. Je la saisis au passage et la plaqua sur mon abdomen. La femme de chambre fut saisie et n’osa plus bouger. Ce contact me rassurait, savoir que quelqu’un s’intéressait à cet enfant comme à autre chose qu’à une bête de foire me rassurait.

Enfin, je fus prête. Etrangement, je me trouvais belle. Je n’aurais mit de moi-même cette robe au décolleté carré qui laissait largement deviner la forme de ma poitrine. Depuis que les changements physiques avaient opéré, je mettais toujours les mêmes tenues austères. Mais une voilette de dentelle recouvrant la partie de ma poitrine nue me convainc de la garder. La femme de chambre s’en alla. Mais avant qu’elle ne passe la porte, je saisi son visage entre mes mains et déposais un tendre baiser sur ses lèvres fraîches. Ma façon à moi de lui dire merci…
Plutôt que de l’envoyer prévenir Fingal Mc Cruimein que j’étais prête, je décidais de m’y rendre moi-même.

Je traversais le couloir et descendais les deux étages qui me séparaient des chambres du personnel. Arrivée devant sa porte, je frappais et attendais silencieusement.

Fingal fut tiré de son demi sommeil en entendant frapper à la porte de ses appartements. Qui cela pouvait-il bien être ? Le domestique aurait-il déjà trouvé pour lui une compagne de voyage ? La peste soit de l'absence de Martèinn ! Il ne pouvait aller ouvrir dans cette tenue, vêtu seulement de sa chemise...

- Un instant, je vous prie, dit-il en enfilant au plus vite sa culotte et cherchant ses autres vêtements. Je vous ouvre tout de suite...

Il se hâta de se rhabiller comme il le pouvait, enfila tant bien que mal sa perruque pour éviter de remettre de l'ordre dans sa chevelure, et se dirigea sans plus tarder vers la porte. Quelle ne fut pas sa surprise, en ouvrant, de voir devant lui lady Athénaïs, la propre soeur du Maître ! L'affaire devait être importante pour qu'elle se déplace en personne...

- Milady, je vous en prie, entrez, dit-il en s'inclinant et en baisant respectueusement la main qu'elle lui tendait. Veuillez me pardonner de vous avoir fait attendre, et de vous recevoir dans une tenue si négligée ; mon valet de chambre a dû s'absenter pour le service de votre frère.

Et tandis qu'il se mettait sur le côté pour la laisser entrer, il remarqua un message qui avait été glissé sous sa porte. Il invita la dame à prendre place dans un fauteuil, et ramassa ledit message avant de la rejoindre. Il portait le sceau du Comte... Que se passait-il donc ? Il sortit d'une niche dissimulée près de la cheminée une carafe contenant son fameux "Nectar de Vierge", en versa dans deux verres de cristal et en tendit un à son hôte avant de s'asseoir face à elle.

- Votre visite est un grand honneur, milady, et vous êtes fort en beauté, si je puis me permettre. Je ne sais si vous avez eu l'occasion de goûter ce breuvage, une recette de mon invention, dit-il en lui remettant le verre. J'espère qu'il vous plaira. Permettez que je prenne encore un instant pour lire ce message, il semble que votre frère ait quelque instruction à me transmettre... Et vous savez comme moi que le Comte déteste attendre !

Il décacheta le pli, et le parcourut rapidement, afin de ne pas être impoli vis-à-vis de la dame. Il lui annonçait en substance sa volonté de voir lady Athénaïs accompagner Fingal en Ecosse, et lui recommandait d'en prendre le plus grand soin ; le vicomte répondrait sur sa vie de la sécurité de la jeune femme et de l'enfant qu'elle portait. Sans doute voulait-il la soustraire un temps à la curiosité et éviter que certaines rumeurs ne se répandent dans le château... De plus, les récents combats menés par les lycans incitaient sans doute à mettre la jeune femme à l'abri quelque temps.

- Fort bien, milady, dit-il en refermant la lettre. Il semble donc que le Comte souhaite que je vous conduise avec moi en mes terres d'Ecosse. C'est avec grand plaisir que je me mets à votre service, madame - il avait dit ce mot en français, par une forme de politesse qui rappellerait sans doute à Athénaïs l'époque où tous trois avaient séjourné à Paris, dont précisément elle avait apprécié la courtoisie de la vie en société. J'espère seulement que ce n'est point trop risqué dans votre état...

Il lui sourit aimablement et porta un toast à ce voyage, avant de boire une gorgée du fameux nectar. La mission se révélait donc doublement délicate : s'assurer que les convocations soient envoyées, et prendre soin de la soeur du Comte. Cela contrariait quelque peu ses projets ; il avait en effet prévu de ne pas revenir d'Ecosse, peut-être même de s'embarquer à nouveau pour l'Orient, ou une autre destination. A présent que le Maître avait recruté de nouvelles scientifiques pour la Salle X, sa présence à Londres n'était plus indispensable, et il s'ennuyait terriblement en Angleterre après avoir connu des lieux de loin plus exaltants. Mais il obéirait, comme il l'avait toujours fait volontiers pour les missions importantes ; s'il se montrait quelquefois provocateur pour de petites choses, il n'avait jamais manqué à sa fidélité au Maître et à ses projets.

En outre, lady Athénaïs était d'une compagnie fort agréable, aussi fantasque qu'il l'était lui-même, et ils se distrairaient sans doute beaucoup durant ce voyage et le séjour au château des Mc Cruimein.

- Je vais demander à ce que l'on nous prépare une berline plutôt que la voiture légère que j'avais initialement prévue. Ainsi, vous pourrez voyager de façon plus confortable et avec moins de risque. Quand souhaitez-vous que nous nous mettions en route ? J'avais songé partir quelques heures avant l'aube, afin d'éviter les encombrements de la ville.

Fingal me fit patienter quelques longs instants devant la porte, pensant sans doute avoir à faire à un domestique. J’étais trop pensive pour en être agacée. Après tout, pourquoi n’avais-je pas envoyé l’une de mes femmes de chambre pour lui annoncer que je serai du voyage ? Ce n’était au fond qu’une humiliation de plus que de me présenter moi-même pour lui dire quelque chose que je ne désirais pas. Lui faire savoir de ma propre bouche que j’acceptais d’être un encombrant bibelot dont il fallait se débarrasser quelques jours.
Mais Fingal ne saurait rien de mes états d’âme, et les quelques instants d’attente me permirent de reprendre un semblant de contenance, de prestance oserais-je même dire.

Lorsqu’il ouvrit la porte j’affichais l’un de mes plus beaux sourires, et lui tendis d’autorité ma main.
Il l’a baisa en se courbant légèrement, et m’invita à entrer dans sa chambre. Je pus remarquer qu’elle était plus étroite que celles du troisième étage, mais au demeurant meublée avec goût. Désireux de ne manquer à aucun de ses devoirs, le vicomte me fit presque aussitôt m’asseoir sur l’un de ses larges fauteuils et me servit un verre de sang frais. De vierge si j’en croyais ce qu’il me disait. Je portais ledit liquide à mes lèvres ; et à défaut de pouvoir dire avec certitude s’il s’agissait bien de sang de vierge tant il était particulier, je pus néanmoins constater qu’il était étonnement liquide et léger. Un vrai délice.

Je me contentais d’acquiescer à l’évocation de l’impatience de mon frère et détaillais méthodiquement chaque meuble de cette pièce. Rien n’avait été laissé au hasard, et tout était parfaitement à sa place, et propre. Fidèle à lui-même, Fingal semblait n’accepter de souffrir aucune fausse note.

*Il semble donc que le Comte souhaite que je vous conduise avec moi en mes terres d’Ecosse.* Un petit rictus déforma mon visage lorsque cette phrase arriva à mes oreilles. Oui, le Comte ne savait plus que faire de sa belle… Dépassé par les évènements il préférait lâchement l’éloigner. Un mélange de honte et de crainte régnait depuis quelques temps chez lui. Que diraient les gens ? Qu’arriverait-il sa bien-aimée ?
Tout cela transparaissait clairement depuis quelques semaines. Et désormais, je préférais m’éloigner que de subir son absence, ou pire, son regard quand il était près de moi.

« Oui. La ville est ennuyante, et vous savez comment se comporte la populace. Toujours à l’affût de la moindre erreur, toujours prêts à persiffler. Il serait plus souhaitable que je me retire quelques jours dans un lieu plus calme. Et je suis ravie de faire ce voyage en votre compagnie vicomte, croyez-moi. »

* J'espère seulement que ce n'est point trop risqué dans votre état...*

« Je vous en prit Fingal, point de condescendance. Je me porte comme un charme. Et n’allez pas penser que mon état représente un risque particulier, je suis tout à fait à même de me défendre. Et la nature a fait que tout cela soit encore bien dissimulé, ainsi nous n’aurons à craindre d’éveiller les soupçons durant notre voyage. »

En même temps que je disais cela, je posais le verre à présent vide sur un petit guéridon et me levais.
Je lui tendis à nouveau ma main et me dirigeais vers la porte.

« Retrouvons-nous alors deux heures avant l’aube dans le hall principal, cher ami. Mais dites-moi, j’espère que ma présence ne vous contrit pas ? »

» Pour passer le temps