Dans les galeries, réunions des Fils d'Hermes Trismégiste

Adrian Bulkeley sortait tout juste de la réunion hebdomadaire des " Fils d'Hermes Trismégiste ", qui avait été comme toujours longue et ennuyeuse. Heureusement qu'un apéritif avait été servi à la fin ; d'ailleurs, le whisky écossais lui tournait un peu la tête. Il avait esquivé discrètement les avances de Lady O., une pimbèche qui jouait aux libertines, aussi bien que celles plus appuyées de Lord S. (même si chacun connaissait l'identité des autres, on ne mentionnait jamais son nom lors des réunions de la confrérie, où on se rendait masqué). Après avoir discuté un instant avec l'un de ses camarades, il s'était engouffré dans l'une des galeries obscures qui menaient à l'air libre.

* Enlevons ce fichu masque ! Leurs bavardages incessants commencent à me sembler insupportables,* pensait-il.*Quelle aubaine d'avoir été invité à me joindre à la résistance dans leur "Forteresse" ! J'espère que là au moins il y aura de quoi se divertir...*

Une étrange jeune fille et son compagnon, rencontrés quelques nuits plus tôt, lui avaient en effet proposé de se joindre à eux dans un lieu qu'ils nommaient la "Forteresse". Ils l'avaient assuré qu'il y trouverait un logement confortable et y ferait des rencontres intéressantes. L'homme avait également parlé de lui confier certaines responsabilités dont ils reparleraient...

Parvenu à un croisement, il hésita un instant sur le chemin à prendre : finir la nuit dans la sulfureuse salle rouge, ou remonter à la surface pour se rendre au Hightgate ou au Hell's Bitches ? Il choisit finalement de remonter et emprunta un couloir plus étroit qui le mènerait à l'un des escaliers.

S'assurant de ne pas avoir été suivi, il remonta par un petit escalier vers une ruelle déserte à cette heure tardive. Il pressa le pas et se dirigea sans tarder vers son appartement londonien, où ses domestiques préparaient son déménagement vers la fameuse "Forteresse".

(HRP) ce post servira pour évoquer les événements liés aux réunions des Fils d'Hermes Trismégiste. (/HRP)

Etait-il possible d’avoir apparence plus humaine ? Hormis mon teint toujours aussi pâle que la porcelaine et mes lèvres toujours aussi rouges que le vermeil, l’étincelle carnassière de mes yeux s’était cachée pour laisser place à des yeux profonds mais vides de méchanceté.
Cependant la Loxy d’une violence inouïe et avide de chaire était toujours là , tapie dans l’ombre, prête à ressurgir au moindre appel.

C’était dans les ruelles Londoniennes escarpées et étroites que je me promenais ce soir là, errant sans but précis que de trouver une distraction quelconque. Un véritable labyrinthe d’escaliers, porches et autres passages plus ou moins éclairés. J’adorais cet endroit, sûr de n’y faire que des rencontres intéressantes. En effet, peu de gens s’y aventuraient passée une certaine heure.
Et apparemment ce soir là quelqu’un avait fait preuve de courage, ou d’inconscience…

Un masque voleta jusqu’à moi dans l’air chaud de Londres. Je l’interceptais au vol et le humais. Rien que cette odeur de mâle me fit me hérisser les poils du dos et briller les yeux.
Voyons maintenant qui était cet homme osant s’aventurer seul ici.

« Je crois que vous avez oublié quelque chose Monsieur.. ?»

[super, Loxy, heureux de te rencontrer Wink

Pour la cohérence du récit, nous dirons que ce qui va se passer ici est arrivé quelques jours avant que je rejoigne mon appartement, puis la chambre de Fingal Wink

]

Sir Bulkeley s'apprêtait à remonter vers la surface, quand il entendit un pas léger derrière lui, comme accompagné d'un souffle glacé. La jeune femme, au demeurant charmante, avait ramassé le masque qu'il avait laissé tomber par inadvertance.

"C'est fort aimable à vous, demoiselle. Je me nomme lord Adrian Bulkeley, " répondit-il en esquissant une légère révérence. "D'ordinaire, une rencontre aussi charmante m'eut été fort agréable. Mais voyez-vous, pour l'heure, je suis quelque peu pressé par des affaires urgentes..."

Il la considéra de façon plus précise, et sentait se dégager d'elle quelque chose qui était à la fois fascinant et effrayant. Précisément ce qui le troublait plus que tout au monde, le mélange de peur et de désir...

"A moins que vous n'ayez du temps à perdre et ne consentiez à faire quelques pas en ma compagnie ? Si je ne me trompe, cette sortie mène aux rives de la Tamise. Et ce n'est pas là que je souhaite me rendre..."

Il la regarda droit dans les yeux, et sentit la fascination s'accentuer. Ses lèvres appelaient à des plaisirs qui le faisaient frémir...

"Me ferez-vous la grâce de m'accompagner, au moins une partie du chemin ? Une femme telle que vous ne devrait pas se hasarder seule la nuit dans cet endroit. On peut y faire de fort mauvaises rencontres, savez-vous ? Fort heureusement, en ma compagnie, vous ne craignez rien, je suis un gentleman. Et puis je vous le dois bien, vous avez retrouvé mon masque..."

Il lui tendit le bras, et attendit de voir si elle accepterait et le prendrait.

Adrian Bulkeley... Inconnu au bataillon. Je souris à l'esquisse de sa révérence, et inclinais légèrement la tête en guise réponse.

En l'espace de quelques instants, je senti son regard se figer et se teinter d'un indescriptible mélange de crainte et d'attirance. Sauver les apparences devenait compliqué, l'aura que je dégageait malgré tout n'était pas vraiment neutre.
Je continuais cependant à jouer le jeu et plantais mes yeux dans les siens avant de saisir le bras qu'il me tendait.

"Effectivement, ces rues ne sont pas très sûres la nuit; et je vous suis gré de me proposer votre bras pour en sortir."

Même si ces rues ne représentaient pas une réelle menace pour moi, je me gardais de le lui faire savoir.
Le contact de son bras était étrange, pas comme celui des autres humains, il avait quelque chose de plus noble. J'en déduisit qu'il était peut-être général..

"Je ne me suis pas présentée. Appellez-moi Loxy."

J'esquissais un sourire un peu plus large qui dévoilait cette fois-ci une partie de mes dents étincelantes à l'apparence virginale.

"Quelles affaires vous pressent donc tant?"

[HRP] Désolé, chère Loxy, pour ce long silence Wink

[/HRP]

Le bras de la jeune femme, même à travers l'étoffe de leurs vêtements, ne fit qu'accentuer son trouble. Et il se dégageait d'elle un parfum suave, envoûtant, comme il n'en avait jamais senti auparavant...

- Enchanté de faire la connaissance, certes fort inattendue, d'une si charmante personne en ces lieux sinistres, demoiselle Loxy.

Il devrait se contenter d'un prénom, ou d'un surnom, mais qu'importe. Le mystère faisait partie de ce qui aiguisait le plus ses sens. Courtisanes et prostituées hantaient la nuit ces souterrains, mais aussi des femmes tout à fait "respectables" souhaitant s'offrir quelques sensations. On ne savait jamais sur qui on tombait en de tels lieux, même lorsque l'affaire se terminait en une étreinte charnelle... Et c'était très bien ainsi.

- Rebroussons chemin, voulez-vous, dit-il en l'entraînant à nouveau dans l'escalier, et empruntons une autre galerie pour nous rapprocher de l'endroit où je dois me rendre. Ainsi nous aurons tout loisir de bavarder. Vous me direz en route où je puis vous raccompagner...

Il ne fit pas attention à ce qu'il y avait de particulier dans son sourire, il en fut simplement charmé.

- En fait d'affaires urgentes, il me faut regagner sans trop tarder mon domicile. Je viens tout juste de m'installer à Londres et j'ai encore de nombreuses affaires à régler... Mais je crains que tout cela ne soit fort ennuyeux pour une demoiselle aussi charmante que vous.

Ils marchaient à présent à travers les galeries en direction de la sortie la plus proche du Quartier Général. Peut-être parviendrait-il, chemin faisant, à obtenir quelques faveurs de la jeune femme en profitant de l'inquiétude que ne pouvaient que faire naître ces couloirs sombres et humides ? A moins qu'il ne faille réserver les plaisirs pour plus tard et simplement obtenir pour l'heure un rendez-vous ?

- N'avez-vous vraiment aucune crainte à vous déplacer ainsi, alors qu'il fait encore nuit, au bras d'un parfait inconnu ? , lui murmura-t-il à l'oreille, tenté déjà de lui voler un baiser dans le cou, tout en serrant un peu plus son bras pour la rapprocher de lui.

A première vue, cet homme semblait être de charmante compagnie. Il respirait le savoir vivre, chose qui m’enchantait. Les humains avaient ça qu’ils avaient encore leurs bonne manières et une bien séance à toute épreuve lorsque l’on savait les choisir.

« Peut-être un jour aurez-vous l’occasion de connaître mon nom en entier… »

Je pus lire la surprise sur son visage et me réjouissais de l’effet de surprise que j’avais provoqué. Mais il ne fallait pas trop en faire ; je ne voulais pas le faire fuir.
Je lui adressais un franc sourire et me justifiais

« Vous pensez bien que je me doute qu’il est difficile de se contenter d’un simple prénom… »

Je fus surprise par sa force lorsqu’il nous fit rebrousser chemin mais me laissais guider docilement.
Bien que fréquentant souvent les rues de Londres, je ne connaissais pas les galeries au travers desquelles il me menait précautionneusement ; ainsi, je ne lâchais pas son bras et restais à l’affût du moindre son ou mouvement.
Passés quelques instants à marcher silencieusement, je senti l’étreinte de Sir Adrian se resserrer autour de mon bras et me rapprocher doucement de lui. Sa question me fit rire, d’un sourire doux qui éclaira mes yeux.

« Je suis pleine de ressources… Et croyez-le ou non, je vous fais confiance pour me ramener à bon port. Voudriez-vous me tuer au détour d’une galerie et m’y laisser, pantelante ? »

Quel rire exquis, il en avait l'eau à la bouche. Décidément, quel heureux hasard et quelle charmante rencontre... Il avait de plus en plus envie de transformer cette promenade dans les souterrains en un tout autre jeu ; restait à faire la conquête de la demoiselle...

* "Pleine de ressources" ? , pensa-t-il avec un sourire un peu lubrique. Je me trompe ou elle me laisse entendre que... Toi, ma belle, je sens que nous allons nous amuser un peu tous les deux...*

- Vous me faites confiance ? Peut-être ne devriez-vous pas ?, fit-il en riant et en s'arrêtant pour la plaquer contre la paroi humide. Qui vous dit que mes intentions sont louables ? Vous tuer au détour d'une galerie ? Non, vous ne craignez rien de ce côté-là, rassurez-vous...

Il se plaqua contre elle et déposa un baiser dans son cou, tout en lui maintenant les mains pour ne pas qu'elle cherche à se libérer.

- ... par contre, je suis bien tenté d'attendre de vous quelques faveurs, si vous voyez ce que je veux dire ! Si ensuite vous êtes pantelante, ce ne sera que de plaisir, ma belle... Tu es là pour ça, non ? Et sinon tant pis, tu auras appris qu'il ne faut pas traîner dans les souterrains !

Il joignit le geste à la parole et commença à relever doucement ses jupes, posant une main avide sur sa cuisse à la peau laiteuse. Adrian pouvait être gentleman avec les femmes, mais aussi le dernier des rustres quand il était pris de désir. L'inconnue le fascinait, et à présent il la voulait avant de rentrer chez lui.

Tout cela était ravissant. Cet homme montrait à présent sa vraie nature ; et je constatais, non sans un certain plaisir, que j’avais raison : sans doute un général. Mais un général humain, c’est ce qui faisait toute la différence.
Le plus amusant était encore la transformation presque surnaturelle qui s’était opérée sur ses traits à l’évocation de mes « nombreuses ressources ». Son sourire s’était étiré de façon à ne plus ressembler à aucun sourire humain, et je pouvais désormais sentir le désir suinter de chacun de ses pores.

Mais c’est lorsqu’il jugea opportun de me maintenir collée contre un mur que je trouvai qu’il en faisait un peu trop.

« Hm. Ce n’est pas très courtois d’agir ainsi. N’avez-vous donc aucun scrupules à malmener de la sorte une jeune femme ? »

Le baiser de l’humain fut étrange. Ou plutôt étrangement chaud comparé à ceux des vampires. Petit à petit, mon instinct de vampire refaisait surface, et, inexorablement, celui de la traque humaine. C’en fut trop lorsqu’il s’attaqua à mes jupes et qu’il se crut dans son bon droit en me tutoyant et en me comparant à l’une des vulgaires prostituées qui erraient dans ces souterrains.
Tandis que j’essayais de me défaire de son emprise, ses mains progressaient sous mes jupes. Mes yeux se transformèrent et mes canines s’allongèrent de quelques longs centimètres.
Lorsqu’il releva la tête, je plantais mon regard acier dans le sien…

- Les Bulkeley n'ont jamais de scrupules, ma belle ! Je te conseille de te laisser faire, je pourrais aussi bien te prendre la vie : j'ai déjà tué plus d'une catin qui refusait de m'obéir !

Le vicomte Bulkeley frémit d'horreur quand elle le repoussa et qu'il vit la transformation qui s'était opérée en elle. Il s'écarta aussitôt de la créature avec effroi et dégoût. Ce n'était ni une catin à la recherche de clients, ni une imprudente perdue dans les souterrains. Ce qu'il avait lu et dont on lui avait parlé était donc vrai : ces êtres maléfiques existaient bel et bien !

- Par tous les saints, s'écria-t-il en dégainant son épée de gentilhomme, tu es donc l'une d'entre eux ! C'était cela l'étrange fascination... Prends garde, je suis bien renseigné à votre sujet, je sais ce qui peut vous atteindre !

Il bluffait, bien entendu. Certes, il avait lu un certain nombre de choses sur les vampires, mais tout cela était contradictoire et variait beaucoup d'un auteur à l'autre. Il savait qu'il ne pouvait la tuer avec son épée, juste gagner du temps en lui faisant user par les blessures infligées l'énergie nécessaire à sa régénération... Inutile aussi de chercher à s'enfuir en courant, puisque ces créatures avaient le pouvoir de se déplacer très vite, plus vite que ne le ferait jamais aucun humain... Restait la médaille bénite qu'il portait autour du cou depuis l'enfance ; il n'était pas certain que ça marche, mais il fallait essayer !

- Arrière, créature des Enfers ! , cria-t-il en sortant de dessous sa chemise la fameuse médaille et en la brandissant devant la vampire comme un talisman.

[Je trouve cela un peu étrange que le personnage soit étonné de l’existence des vampires, surtout en tant que général à vrai dire ; dans la mesure où l’histoire veut que les humains soient au courant de leur existence puisqu’ils les combattent (ou à tout le moins s'en défendent), et donc à fortiori leurs généraux. Qu’en pensez-vous ?]

Enfin, Sir Adrian Bulkeley réalisa enfin à qui il avait affaire.
Il faut avouer que j’étais déçue d’avoir été contrainte de le lui dévoiler si vite tant il était de charmante compagnie jusqu’à ce qu’il se révèle être aussi discourtois que licencieux. Il ne fallait pas confondre luxure et vulgarité, je ne voulais pas être confondue avec la dernière petite catin sans verbe ni éducation.

Lorsque Bulkeley découvrit mes adorables petite canines scintillantes, je pu lire dans son regard une surprise inhabituelle. De la déception teintée d’effroi, un réel effroi. Sa main tremblait, et il m’apparut d’un ridicule achevé lorsqu’il brandit son pendentif, dans je ne sais quel dessein.
Tout cela me fit rire de bon cœur, et finit de me persuader que je pouvais ranger mes dents sans risquer de me faire trancher un membre. Ma tension s’apaisa.

« Je ne vous permet pas de douter un instant que « l’une d’entre eux » ou non j’aurais attisé votre fascination. Est-ce la peur, la surprise qui vous fait perdre vos bonnes manières et vous autorise à me tutoyer? Ou peut-être le fait de vous être mépris sur mes activités peut-être ? Mais maintenant que tout cela est réglé et que vous avez compris, avec déception sans doute que je n’étais pas une catin, vous pouvez sans aucun doute remédier à cela. »

Je m’amusais du silence médusé de mon hôte et continuais mon monologue :

« Vous savez, je trouve que le vouvoiement a un certain charme, pas vous ? Il attise le désir et garde une part de mystère fort plaisante. N’êtes vous donc pas d’accord avec moi cher ami, pour me regarder avec de pareils yeux ? »

[HJ : remarque fort pertinente, chère Loxy, je comprends que tu sois étonnée ; mais Sir Bulkeley vient tout juste d'être recruté et n'a pas encore été mis au courant de tout ; jusqu'à présent, aristocrate vivant dans un milieu privilégié et protégé, il était sceptique sur ce qu'il avait entendu au sujet des vampires et lycans, et ses recherches ne l'avaient guère convaincu. Voilà pourquoi il est surpris. Wink

Il faudra que je rende ma fiche plus explicite, tu as raison ]

Lord Bulkeley était pétrifié et comprenait mieux pourquoi une telle panique régnait chez les Londoniens. Lui qui jusqu'à présent avait vécu en pensant que tout cela n'était que des racontards et que les désordres actuels n'étaient dûs en réalité qu'à des agitateurs abusant de la crédulité du peuple...

- Miss, vous êtes la première de votre espèce que je rencontre, bredouilla-t-il en tenant toujours sa médaille. Je ne croyais pas telle chose possible, je dois le reconnaître... Si vous préférez le vouvoiement, soit ; mais le charme que vous y trouvez serait bien déçu si vous saviez toute la vulgarité qui peut se dissimuler derrière les "bonnes manières"... Sachez que mon attitude cavalière n'avait rien de personnel : j'ai pour habitude de prendre ce que je veux quand je le veux chez les femmes...

La fascination reprenait le dessus, et son désir n'était pas totalement éteint malgré la peur qui s'était emparée de lui. Il faut croire que les goûts hors norme du vicomte, attisés par le pouvoir de l'inconnue, l'incitaient à y prendre quelque plaisir inconscient. Il avait pour habitude d'être dominateur, sauf avec Fingal Mc Cruimein ; et là il se retrouvait soudain en position de proie... L'effroi se mêlant à la luxure, ses sens se perdaient en contradictions qui aboutissaient à une jouissance jusqu'à présent inconnue de lui.

- Je suis néanmoins fort curieux d'en apprendre plus, si vous promettez de ne pas tenter de... de me mordre. Résistez à votre pulsion maléfique et je résisterai à celle d'abuser de vous...

* Ce doit être une chose très étrange de s'accoupler avec l'une de ces créatures , pensait-il. Si seulement je pouvais être certain qu'elle ne tenterait pas d'attenter à ma vie, voilà une expérience que je ferais volontiers... *

Il avait toujours aussi peur, mais essaya de se conduire selon son rang. S'il devait affronter la mort dans ces souterrains sordides, il lui faudrait le faire avec le panache de sa caste. Il lâcha donc la médaille, qui visiblement n'avait aucun effet. Il n'avait jamais accordé tellement de crédit aux bondieuseries, cette fois il avait au moins acquis la certitude que le clergé, pour le coup, abusait de la crédulité des fidèles. Il fit un effort sur lui-même et s'obligea à retrouver son ton léger quelque peu hautain et impertinent.

- Que comptez-vous faire de moi, maintenant ? Je suppose que dans vos plans il n'y a qu'une issue possible... Avouez que la situation est singulière : je me préparais il y a un instant à vous violenter, et voici qu'à présent je suis à votre totale merci... Si vous avez les pouvoirs que l'ondit, bien entendu !

Décidément, cet homme n’avait pas fini de m’étonner. La première qu’il rencontrait… J’étais des plus sceptiques mais acceptais de l’entendre. Je fus en outre déçue par son babillage quand au vouvoiement. S’il n’était pas capable de tenir son rang, il faudrait au moins qu’il le feigne.

« Sir, quoi que vous cachiez derrière vos bonnes manières, faites moi en tout de même profiter, je vous en serai gré. Et je pense ne pas trop m’avancer en disant que si vous avez toujours eu l’habitude de prendre ce que vous vouliez quand vous le désiriez chez les femmes, c’est que vous n’avez eu affaire qu’à des ingénues ou à des filles de joie. Parfois, ce sont les femmes qui décident où et quoi. »

Etre en position de force me rendait fort aise, mais je ne voulais pas le mettre mal à l’aise ; sans quoi il bafouillerait et sa société serait décevante. Je lui adressais ainsi un sourire entendu, tout en plantant mon regard acier dans le sien. Qu’il ne s’y méprenne pas, ce sourire n’était pas un sourire de soumission, il en fallait plus.

« Vous avez de la chance, j’ai déjà mangé. J’accepte donc de vous dire plus et de vous laisser la vie sauve à la condition que nous sortions de ces souterrains. Non pas que j’ai peur, mais ces lieux ne sont pas propices à la conversation. »

Alors que j’incitais Lord Bulkeley du regard à recouvrer ses esprits et à reprendre notre chemin vers la sortie de ces galeries tout en essayant de protéger mes jupons de la boue environnante, je surpris ses pensées.

« Hum, Je vous entend vous savez… Encore l’une des nombreuses choses qu’il va me falloir vous expliquer. Mais si vous voulez mon avis, c’est bien mieux qu’étrange… »

Et voilà que Bulkeley se réveillait et tentait de reprendre contenance en arborant une voix qui se voulait un brin méprisante.

« Vous êtes adorable. Quelle chance que j’ai déjà mangé, il aurait était triste de devoir se séparer de vous si vite ! Sortons maintenant. »

Adrian, troublé par ce désir pervers qui le poussait à jouer avec le feu, reprenait de l'assurance peu à peu. Après tout, autant que ses derniers instants, si jamais ils étaient arrivés, soient agréables.

- Ce que j'entendais par là, miss, c'est que ces "bonnes manières" qu'affectent les personnes bien nées cache une réalité plutôt sordide... Comprenez donc le double sens, ma chère, vous voici mise en garde. Quant aux femmes, si celles d'aujourd'hui sont bien impertinentes, elles n'en ont pas moins à rester à la place qui est la leur, sans vouloir vous offenser : distraire et servir les hommes, et leur donner si nécessaire une descendance...

La créature était repue, voilà donc pourquoi elle ne l'avait pas encore saigné... Il fut cependant soulagé qu'elle veuille sortir des souterrains, à l'air libre il serait plus aisé de tenter de s'échapper si cela se révélait urgent. Il lui offrit donc à nouveau son bras et ils se remirent en route. Songer qu'elle pouvait lire dans ses pensées le troublait ; puis il eut l'idée d'en jouer, histoire de voir sa réaction...

* Bien mieux qu'étrange ? Voilà qui est dangereux à affirmer, ma fille ! Foi de gentilhomme, je te trousserai, dussé-je mourir ensuite : mais je connaîtrai ce plaisir-là et te montrerai à quoi sert une femme, même une vampire...*

Il s'efforçait de ne pas laisser paraître sur son visage ce qu'il pensait. Adorable ! Il se montrait odieux et elle le trouvait "adorable"... Elle plairait à Mc Cruimein, tiens ! Enfin l'air du dehors, jamais il n'avait eu de sensation aussi agréable en se retrouvant dehors.

- Réfléchissons, où pourrions-nous aller ? Un endroit quelque peu insolite et sympathique... Oh, il me vient une idée : je vous en prie, dites oui ! Je rêverais de me promener avec vous de nuit dans un cimetière, je vous montrerai la chapelle funéraire des Bulkeley. Vous verrez comme elle est charmante de vanité aristocratique. Nous pourrions y boire un verre et bavarder ; ma tante, qui était très excentrique, aimait y tenir salon de temps à autre et il doit bien rester quelques bouteilles d'excellent whisky dans sa cachette...

Ses yeux pétillaient de désir à l'idée d'une telle aventure. Comme sa chère tante, celle qui lui avait légué son immense fortune, il souillerait la chapelle familiale pour mieux jouir du plaisir d'être considéré comme un membre à part de celle-ci... Il en laisserait même des traces pour que ses parents, lors de leur prochaine pieuse visite, sachent qu'il avait repris les péchés de celle qu'ils appelaient avec mépris "la vieille folle" !

* Et ensuite, je rêverais de choses moins avouables en votre compagnie, sur le tombeau de l'un de mes aïeux... Ce serait... tout bonnement exquis !*

Il n'était pas évident de maîtriser ses pensées, mais il commençait à trouver ce petit jeu très amusant et très... stimulant. Il aurait aimé savoir quelle sensation cela procurait de pouvoir s'immiscer dans l'esprit des autres, de fouiller dans les méandres du cerveau pour y traquer les pensées les plus secrètes...

- Qu'en dites-vous ? S'il vous plaît, accordez-moi ce plaisir et je serais le serviteur du moindre de vos caprices...

Encore une explication méandreuse de son abhorration pour le vouvoiement. Soit. Peut m’importait de savoir pourquoi à vrai dire. Dans ma famille, les bonnes manières ne cachaient rien. C’était un devoir et une protection. Je ne me serais pas sentie moins dénudée en sortant nue dans la rue qu’en étant exposée au vouvoiement des roturiers comme des gentilshommes.
Je ne me rappelle que d’une personne que j’ai d’emblée tutoyée au château… Mina. Mais elle avait été bien plus en quelques heures que la plupart des gens que je côtoyais. Même Flamea n’y a pas droit. Mais lui, c’est particulier…

J’approuvais donc d’une oreille distraite.

« Hum, oui oui. »

Exactement le genre de réponse qui ne voulait rien dire ; mais il n’était point l’heure de se lancer dans de grandes explications qui se révèleraient être une entreprise aussi aventureuse qu’inutile.

Oh non… J’espère que Bulkeley se rend compte du sourire sot qu’il affiche en même temps qu’il pense… Je ne pus m’empêcher de sourire, si bien que mon rire cristallin résonna dans ces sordides souterrains.

« Ne jouez pas à cela avec moi Bulkeley. Je suis plus forte. Vos licencieuses pensées sont loin de me choquer vous savez… Mais peut-être que vos désirs vous amèneront à comprendre à quoi servent, ou plutôt à quoi me servent les hommes. Mais maintenant, il faut que je vous montre pourquoi vous faites déjà fausse route.
Une première possibilité s’offre à vous, celle ou vous n’obtiendrez rien. Il faut vous mettre en garde, je vous mordrais avant que vous n’eussiez eu le temps de vous approcher de trop près ; je ne suis pas une humaine, je vous le rappelle.
Dans la seconde et la meilleure hypothèse pour vous, si vos desseins sont atteints, je ne suis pas le genre de femme qui pleurt dès qu’un homme la touche et qui demande pardon d’avoir été si naïve… »

Déjà, le Lord semblait réfléchir à ce que je lui disais. Sa proposition quant au cimetière m’enchanta. Un cimetière humain… quelle idée saugrenue, mais en compagnie d’un profane à ce que je voyais. Cela promettait d’être follement amusant !
Je ne pus s’empêcher de réprimer un frisson à l’idée d’un accouplement sur la tombe de l’un de ses aïeux. Il le faisait sans doute exprès, car il était clair qu'il s'évertuais à penser à certaines phrases plus fort que d'autres; Et ce que je lisais en lui était bien plus intéressant que tout ce qu'il pouvait essayer de me faire voir.. Mais patience.
Et ce n’était qu’un humain, sans doute décevant.

Je décidais cependant de me prêter au jeu, peut-être m’apprêtais-je à passer une nuit mémorable.

« J’adorerais vous y accompagner. »

Je me tournais face à lui et affichais une petite moue boudeuse,

« Mais il est déjà tard, un homme comme vous n’a-t-il pas besoin de sommeil ? »

- Fort bien, ma chère, dit-il après avoir pris le temps de savourer et repasser dans sa tête les phrases qu'elle avait prononcées juste après qu'ils aient quitté les souterrains. Seules les femmes déterminées trouvent grâce à mes yeux... et finir en étant mordu par vous, voilà une fin qui me semble acceptable, et un risque à courir pour tenter de vous plaire ! Je suis enchanté que vous soyez d'accord pour aller au cimetière goûter la quiétude du caveau familial !

Il la considérait avec plus d'intérêt encore. Cette fois, sa peur semblait s'être totalement évanouie devant le désir, et la perspective de devoir tenter de conquérir cette jeune femme qui semblait déterminée à lui résister. Peut-être parce qu'il rencontrait là une protagoniste à la hauteur des subtilités de la séduction et de la perversité...

- Dormir ? Allons, comment songer à dormir lorsque l'on est en si délicieuse compagnie que la vôtre ? Un humain a bien le temps de dormir une fois qu'il est mort ; mais tant qu'un soupçon de vie palpite dans ses veines, dormir est du temps perdu. Ne trouvez-vous pas ? Mais dites-moi, les vampires dorment-ils pour leur part ?

Il prenait le ton d'une discussion de salon, tandis qu'il l'entraînait en direction du cimetière. Sa petite moue boudeuse la rendait plus ravissante encore. Elle voulait du gentleman, elle en aurait... Bulkeley était certes extravagant, il n'en restait pas moins aristocrate jusqu'au bout des ongles, excentriquement mondain selon l'usage de la noblesse britannique... Oubliant qu'elle pouvait saisir ses pensées, il songeait combien la jeune femme ferait d'ailleurs sensation dans les salons de la jeunesse dorée londonienne, si elle acceptait de l'y suivre bien sûr. Imaginer qu'il annonçait : "Mes amis, voici une authentique vampire londonienne !" lors d'une soirée l'amusait beaucoup. Elle pourrait goûter à loisir le sang bleu le plus pur - ou le plus frelaté, selon le point duquel on se plaçait - de toute la capitale.

Adrian et ses errances nocturnes ! Un jour, elles le perdraient. Peut-être même ce soir, du reste. Mais que lui importait : pour un instant de plaisir hors des sentiers battus, il se serait littéralement damné. Il lui adressa un sourire, et pressa le pas.

« J’en suis également ravie, croyez-moi. J’espère que vous ne me le ferez pas regretter, car c’est tout de même quelque chose que d’aller dans un cimetière avec un humain, vous le concevez ? Je vous laisse donc me guider. »

Adrian ne tarissait pas d’éloges… « Un soupçon de vie », c’était sans doute cela qui faisait que je m’amusais tant en cet instant. Ce soupçon de vie que beaucoup de vampire n’avait plus par choix ou par oubli. Un oubli qui les rendait mornes, parfois taciturnes et souvent ennuyeux, à l’exception de quelques rares personnes.

« Bien sûr que nous dormons, chaque instant n’est pas aussi précieux que pour vous. Nous avons l’éternité, ou presque, pour faire tout ce que chaque homme tente de faire dans une vie. Il nous faut nous reposer pour chasser, pour avoir l’esprit plus clair, ou simplement pas fainéantise. Mais dites moi, vous que faites vous de votre temps libre ? »

Les pensées du Lord m’amusaient et m’enchantaient. Quel curieux personnage… Vraiment, en faire mon dessert aurait été du gâchis, il y avait tant de gueux sans intérêt à manger. Pourquoi se priver d’humains aussi plaisants ?

« Je connais les salons londoniens. Je ne suis pas très âgée vous savez. Et je crois ne pas me méprendre en vous disant que vous sèmeriez la panique en me présentant comme telle. Et je ne suis en outre pas un animal de foire cher ami. »

Adrian ne s’étonnait même plus que je réponde à ses pensées, il se contentait de hocher la tête. A dire vrai, je n’avais pas osé reparaître dans les salons depuis ma transformation. Et mes parents étant morts, il aurait été plus qu’étrange de m’y voir, toujours aussi jeune qu’au jour de mes 19 ans. Mais aujourd’hui, les gens de ma décennie ne devaient plus guère fréquenter les salons. Aussi, l’idée d’un jour m’y rendre de nouveau me traversa l’esprit.

« Voulez-vous me faire une promesse Adrian ? Promettez-moi d’un jour me laisser vous accompagner à l’une de vos sorties mondaines. Cela fait si longtemps… »

Je m’accrochais à son bras et me rapprochais un peu plus de lui,

« Je me tiendrai bien je vous le promets. Pas de bain de sang, pas de dérapage… Et je suis sûre que se présenter à votre bras doit faire grand effet. »

Mes yeux pétillaient et ma petite bouche se tordit en une moue enfantine, car c’était bien un caprice d’enfant que je faisais là. Mais cette perspective m’enchantait déjà !

Adrian, une fois les premières craintes passées, prenait plaisir à ce moment et à la compagnie de la jeune femme. Apparemment, elle goûtait comme lui les escapades étranges et fantasques ; une telle compagnie n'était pas si fréquente pour qu'il l'apprécie à sa juste mesure. Ils cheminaient vers le cimetière entourant la grande église St-Raphaël, cimetière dans lequel il n'avait plus mis les pieds depuis le décès de sa tante.

- Je n'aurais pas cru, voyez-vous, dit-il en souriant aimablement, que vous et vos semblables étiez vous aussi soumis aux nécessités du sommeil. Mais il est vrai que l'éternité donne à tout cela une autre dimension : il y a moins d'urgence, sans doute, à vivre chaque instant.

Il marqua un temps d'arrêt, car ils durent se mettre sur le côté pour éviter un fiacre qui filait à vive allure. Instinctivement, et malgré ses discours misogynes, il fit prendre place à la jeune femme contre le mur et s'interposa entre le fiacre et elle de façon à éloigner tout risque.

- Ce que je fais de mon temps libre ? , reprit-il tandis qu'ils se remettaient en marche. Comme tout un chacun, je lutte contre l'ennui ; rien n'est plus terrible que l'ennui. L'on aurait voulu faire de moi un gentleman appliqué aux ambitions de son milieu, mais hélas je n'y ai aucune prédisposition. Je préfère de loin l'art et les plaisirs de toutes sortes. Et vous ? Je suis fort intrigué de savoir quels peuvent être les passe-temps d'une vampire ? Votre vie est-elle, comme certains le prétendent, toute entière vouée à la recherche de proies ? A cette soif éternelle ?

Il lui posait cette question le plus naturellement du monde, comme s'il se fut agi d'une humaine avec laquelle il faisait connaissance et conversation. Pas une seconde il ne réalisait l'étrangeté de la situation. Il l'écoutait, et fut fort aise d'entendre qu'elle connaissait le "monde", comme on disait. Il ne s'étonnait pas non plus qu'elle lise dans ses pensées et y réponde à voix haute ; c'était devenu un autre moyen de communication.

- Pardonnez, ma chère, si jai pu vous donner le sentiment de vous considérer comme un animal de foire ; ce n'était point là mon propos. Je pensais plutôt à jouer un tour à ces pédants qui encombrent les salons, comme vous en avez fait sans doute l'expérience.

En entendant sa requête, Adrian acheva d'être conquis : il avait rencontré là, après cette soirée fort ennuyeuse, une compagne qui lui réservait bien plus de surprises que ne l'avaient fait toutes celles qu'il avait croisées en plusieurs années. Il s'arrêta, lui saisit les mains et la regarda droit dans les yeux.

- Je vous en fais bien volontiers la promesse, chère amie, dit-il en lui baisant les mains. Ce serait un grand plaisir et je saurais faire en sorte que vous trouviez de quoi satisfaire aussi les appétits de votre nature. Le monde est ainsi fait qu'en vous présentant à mon bras, les portes s'ouvriront en effet sans difficulté. Même extravagant et méprisé de mon père, je reste le fils de lord Bulkeley. Nous allons bien nous divertir. On donne un bal ces jours prochains chez la duchesse von Stauffenstern, une Allemande que vous connaissez peut-être. S'il vous sied de vous joindre à moi, je me ferais un plaisir de vous y accompagner...

Comment résister à ce joli minois esquissant une moue des plus délicieusement capricieuses ?

« Dois-je vous rappeler, vicomte, qu’il y a de cela moins d’une heure vous n’auriez pas cru à mon existence et à celle de mes semblables ? Alors quand à expecter à propos de notre sommeil ! »

Je souriais, amusée. On pouvait finalement trouver un certain plaisir à la compagnie d’un humain lorsqu’il ne s’agissait point de le vider de son sang. Ils étaient en plus gentlemen ! Bien que cette voiture file à vive allure, il n’y avait aucun risque qu’elle ne nous touche. Mais Adrian se fit un devoir de m’en mettre à l’abri, au prix d’un petit choc contre un mur froid et humide.

« J’entends bien… l’on aurait également voulu faire de moi une demoiselle vertueuse et appliquée à servir son futur époux. Malheureusement, j’ai quitté ma famille un peu trop tôt, et s’ils avaient su à qui ils voulaient me marier ! Mais point n’est le moment de parler de tout cela. J’occupe mes journées comme le font les hommes. Je lis, je fais de la musique, parfois je voyage. Mais mes responsabilités ne me permettent plus de voyager trop loin ni trop longtemps. Mais la lecture ne permet point l’ennui vicomte… »

Le chemin que nous avions emprunté était sinueux et les dalles se chevauchaient quand elles ne laissaient pas place à de la boue. Gentleman, Adrian me présenta une nouvelle fois son bras et m’aida à cheminer sur cet étroit sentier.
Enfin, la large grille du cimetière s’éleva devant nous, majestueuse.

« Votre gouvernante vous a conté trop d’histoires Adrian. Cette soif dont vous parlez n’est-elle pas comparable à la nécessité de se nourrir pour un humain ? Nous ne dormons pas non plus dans des cercueils, fis-je amusée par ses ingénues questions. Pour ma part en tout cas je n’en fais rien. Je trouve cela un peu désuet et excessivement caricatural. »

Le vent faisait grincer les gonds sans âge de ce portail, et bruisser les feuilles d’arbres. Le lord s’approcha de la lourde grille et la poussa afin de nous frayer un passage. Il était décidément charmant, et me fit penser à un enfant à qui l’on aurait offert le plus divertissant des jouets lorsque je lui fis connaître mon désir de l’accompagner lors de l’une de ses sorties.
Je souris pudiquement, et lui répondais.

« Cette duchesse von Stauffenstern ne me dit rien, tout comme la plupart de l’aristocratie allemande. Vous savez, ma famille venait de France, et nous n’avions que peu d’égard pour ceux qui n’étaient point français ou anglais. Les français sont très pédants, et très attachés à leurs valeurs qu’ils considèrent comme les plus dignes. Mais il a pourtant fallu s’incliner devant la distinction et l’élégance dont les Lord anglais savent faire preuve ; en dépit des nombreux différends qui ont opposé nos deux nations. »

Je marquais ne courte pose et reprenais, plus doucement.

« Mais c’est avec joie que je vous accompagnerai, mes parents ne sont plus là, fis-je en lui offrant mon sourire espiègle. Si vous n’oubliez pas évidemment… Mais où se trouve donc votre caveau familial ? Je ne vous cache pas que ma gorge commence à être sèche… »

Sir Bulkeley prenait grand plaisir à l'écouter, et à découvrir ce qu'était la réalité des vampires. Elle n'avait pas tort de lui faire remarqué qu'il y avait si peu encore il ne croyait pas même à la réalité de leur existence. Et pourtant à présent, il considérait les choses comme tout à fait naturelles, de la même façon que si elle lui avait simplement dit venir d'un autre pays. A l'écouter parler de sa vie, de ses occupations, il se rendait compte qu'ils avaient bien plus de points communs qu'on ne pouvait le penser au premier abord. Jusqu'à cette volonté de leur milieu de les marier de force.

- La lecture, effectivement, chère amie, dit-il d'un ton léger. A condition de préférer l'enfer des bibliothèques aux ouvrages trop communs...

Il rit bien volontiers quand elle évoqua les clichés, tel que celui des vampires dormant dans un cercueil. Une fois de plus, elle avait raison, après tout : la soif de sang était-elle au fond si différente de la nécessité qu'ont les humains de se nourrir plusieurs fois par jour ? Enfin ils étaient parvenus au cimetière, dont il poussa la lourde grille ouvragée.

(HJ : je vous propose, chère amie, de poursuivre nos aventures au cimetière, ce qui me semble plus logique : ici )